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«Ce n'était pas Sarkozy, c'était un Pinocchio»

Dimanche 13 Février 2011


«Ce n'était pas Sarkozy, c'était un Pinocchio»
Les éditorialistes de la presse française pointent la criante absence de contradicteurs lors du grand oral de Nicolas Sarkozy face à un échantillon de neuf Français, jeudi soir sur TF1.

"Monsieur avait demandé à être servi sur un plateau - quelque chose de simple et convivial - et surtout de ne pas être dérangé. Pas de syndicaliste surtout !", ironise Patrick Apel-Muller, dans L'Humanité.

Un constat que partage Yann Marec dans Midi Libre jugeant que "Le remake télévisuel de l’an dernier, formaté pour dérouler la politique gouvernementale, manquait singulièrement de contradiction."

"Parole usée, électorat déboussolé, image brouillée, opinion désabusée, serments éculés", énumère Rémi Godeau dans l'Est républicain, "dans une mise en scène sur mesure, le crypto-candidat a dévoilé sa stratégie". "Censé être à l'écoute, il a souvent oublié les questions du panel faire-valoir", accuse l'éditorialiste.

"Ce n'était pas Sarkozy, c'était un Pinocchio dont le nez s'allongeait à la mesure de cette interminable émission", assène Jean-Marcel Bouguereau dans la République des Pyrénées. "Une émission sur mesure d'où l'on avait soigneusement choisi les Français en évitant, comme lors de la précédente émission, tous les gréviculteurs qui l'avaient pollués."

"Hier soir, Paroles de Français aura donc permis à Nicolas Sarkozy, au plus bas dans les sondages, de se livrer à une tentative de reconquête de l'opinion via un échantillon choisi aux petits oignons", renchérit Jacques Guyon dans la Charente libre. "Pourquoi s'embarrasser de journalistes susceptibles de vous gâcher un solo de compassion ou une improvisation sur la justice sociale quand on a la chance d'avoir un choeur de "vrais" gens, posant les vraies questions et face auxquels on peut faire un vibrant récital de nouvelles promesses?"

Etienne Mougeotte dans Le Figaro exprime un point de vue radicalement opposé, estimant qu'en "répondant aux questions concrètes de neuf Français anonymes plutôt qu’aux admonestations péremptoires de stars des médias, le président a voulu conjuguer les contraintes de la mondialisation avec le volontarisme hexagonal".

Mais pour Jacques Camus de la République du Centre, dénonçant les "questions-prétexte posées par les Français sélectionnés" et qualifiant Jean-Pierre Pernaut de "Monsieur Loyal", l'émission "s'appelait improprement Paroles de Français mais évidemment, il fallait comprendre Paroles du Président."

"Sarkozy sur TF1 : passe-plats et vieilles recettes"
Sécurité, emploi, dépendance… le chef de l’Etat a eu un boulevard hier pour développer ses thèmes de prédilection face à Jean-Pierre Pernaut et neuf Français invités, garantis sans saveur.

Nicolas Sarkozy et les «vraies gens de TF1», deuxième édition. Après un premier opus qui avait réuni 8,6 millions de téléspectateurs, il y a un an, la chaîne privée offrait hier soir une seconde version de Paroles de Français, une émission animée par Jean-Pierre Pernaut avec neuf Français. Un exercice destiné, dixit l’Elysée, à permettre au Président d’expliquer sa politique, de montrer qu’il est à l’écoute de ses concitoyens et peut les rassembler. Mais contrairement à l’année dernière, où le casting avait privilégié des caractères, cette fois-ci, les Français invités sont sans saveur, permettant à Sarkozy de monopoliser la parole.

Dès le début de l’émission, on se rend compte que TF1 a fait bien les choses. Pernaut aborde le thème de prédilection de Sarkozy, la sécurité. En vedette, une pharmacienne de Nice de 62 ans, Fatiha Djegaoud, qui s’est fait cambrioler quatre fois en quelques mois. Elle permet au chef de l’Etat, une fois s’être inquiété de savoir si les coupables avaient été arrêtés, de se lancer dans une tirade interminable sur ses réussites, et ses échecs, en matière de délinquance. L’ancien ministre de l’Intérieur, «responsable de la sécurité des Français grosso modo depuis 2002», se glorifie d’avoir fait baisser «la délinquance générale» de 17%, mais reconnaît deux points «qu’on n’a pas réussis» : la délinquance des mineurs et celle des récidivistes. Et de mettre en avant «l’hyperviolence» de certains, ou le cas des «gamins de 17 ans» qui ont l’air de majeurs. Sa solution ? «Il faut que nous changions la législation» sur les tribunaux pour enfants, assure le Président, tout en restant assez flou sur ses intentions. Il se contente de promettre d’«apporter avant l’été une réponse à la délinquance des mineurs». Quant aux multirécidivistes, ils offrent à Sarkozy d’appeler de nouveau à la présence de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels. Une promesse déjà faite à plusieurs reprises. Seule nouveauté, la réforme devrait être mise en place «avant l’été».

Meurtrier. Aucun magistrat n’est invité, mais Pernaut glisse ensuite une question sur le mouvement de contestation judiciaire. Sarkozy y répond en utilisant une nouvelle fois la mort de Laëtitia : «Je suis président de la République, mais je suis aussi un être humain», avance-t-il, avant de raconter avoir reçu le père et la mère adoptifs de la jeune fille tuée. «Ils m’ont demandé deux choses : "Qu’est-ce qui n’a pas marché ?" "Donnez-moi votre parole d’honneur que s’il y a un dysfonctionnement, il sera sanctionné."» Quant aux juges, Sarkozy ne leur en veut pas : «J’ai été vingt ans avocat, assure-t-il. Je connais les magistrats. L’immense majorité sont compétents, honnêtes et diligents. Il ne me viendrait pas à l’idée de porter un jugement sur la profession dans son ensemble.» Mais cela ne l’empêche pas de réitérer ses critiques, de la semaine dernière, sur les erreurs de la justice. A propos du meurtrier présumé, il lâche : «Un monsieur qui avait déjà violé, et passé onze ans en prison. Et il est relâché sans que personne ne le suive ! Je ne peux pas l’accepter.» De quoi énerver particulièrement les magistrats. «Son intervention a été lamentable, réagissait à chaud Christophe Régnard, de l’Union syndicale des magistrats. Il a bien confirmé qu’il nous donnera zéro budget. Des collègues m’envoient des SMS et des mails, se demandant si ce n’est pas une plaisanterie… Je ne vois vraiment pas comment ça pourrait calmer le mouvement.»

Après ces sujets un peu chauds, l’émission se met à ronronner. Les «vraies gens» ont très peu de temps pour s’exprimer, et à part quelques tentatives, notamment de l’agriculteur, aucun n’ose poser des questions dérangeantes au Président. Du coup - paradoxe -, c’est Pernaut qui apporte la contradiction, en rappelant que, l’année dernière, le chef de l’Etat avait promis, en vain, une baisse du chômage. Sarkozy tente de relativiser : «Le mois suivant, il avait baissé, le deuxième mois, il avait augmenté.» Puis il tente une métaphore assez étrange : «La France, c’est un immense paquebot, dans un monde qui est devenu un village» pour justifier que l’«on ne peut inverser les tendances en quelques mois». Mais, juré, il va se «mobiliser de toutes [ses] forces» pendant l’année 2011. Et de promettre «un demi-milliard d’euros» de plus pour mieux aider les chômeurs de longue durée, notamment à travers des «emplois aidés».

Retraite. Sinon, le Président se contente de ressortir ses vieilles antiennes sur les 35 heures, qui ont entraîné les délocalisations des usines, son soutien traditionnel à l’apprentissage (qui fera l’objet d’un bonus-malus pour les entreprises), et passe beaucoup de temps sur son chantier de 2011 censé lui assurer le vote des personnes âgées : la question de la dépendance. A ce sujet, le Président est intarissable, capable de parler en détail des causes de la maladie d’Alzheimer ou du nombre de places en maison de retraite.

Sur un point au moins, Nicolas Sarkozy est toujours excellent: sa capacité à apprendre par cœur les fiches que lui rédigent ses conseillers.

Source : "Libération.fr"